Raiatea s'appelait à l'origine Havai’i Nui, qui peut se traduire par Grande eau jaillissante,
et est considérée par tous les Polynésiens comme le berceau de la civilisation
ma'ohi car de mémoire des anciens, c'est à Raïatea, centre du triangle
Nouvelle-Zélande /Ile de Pâques/Hawaï que l'histoire et les légendes du peuple
maori trouvent leur origine.
Elle est entourée par d'autres îles : Huahine à l'Est, Tahaa au Nord et enfin la perle
du Pacifique, Bora Bora à l'Ouest
Enfermée dans le même lagon que l’île de Taha’a, Raiatea la sacrée éblouit par ses
sommets très abrupts, ses côte sauvages et escarpées, ses baies profondes et bordées
d’une végétation luxuriante, ses plages d'une infinie douceur, ses jolis Motu
(trad.Ilots) frangés de sable blanc et ombragés de cocotiers et ses villages parfois
minuscules;
Loin du tourbillon de la vie quotidienne de Tahiti, nous nous sommes laissés
bercer par le rythme nonchalant de la vie douce et sauvage à la fois, simple mais
pleine de grâce de cette magnifique île et notamment du petit village de Vaiaau
qui a conservé son charme polynésien d'antan.
Dans ce décor authentique, les enfants ont découvert la vie paisible et tranquille des
îles et pour Petit Mari, dont les parents sont originaires de ce petit coin de Paradis
et où lui-même a passé une partie de son enfance, cette escapade aura été un
véritable Retour aux Sources.
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Jour 1:
Après 40 minutes de vol, l'avion se pose...Il est 14h45 !
Nous récupérons nos bagages ainsi que les clés de la voiture que nous avons loué car à part une
pirogue et un 25 chevaux, Mamie Teriivahine et "Vieux" n'ont aucun autre moyen de locomotion.
Après un petit arrêt au centre ville de Uturoa pour y faire quelques provisions, nous prenons
la direction du petit village de Vaiaau et nous sommes en admiration devant les subtiles
nuances de vert et de bleu du paysage: du vert clair au vert plus soutenu des montagnes,
du bleu turquoise du lagon au bleu marine du grand large.
Il nous faudra une demi-heure de route pour découvrir cachés derrière une haie de cocotiers
nains dont les palmes s'entremèlent, les jolis farés de Mamie...
Le faré bleu, qui commence à tomber en ruine, où sont installés le four et le garde-manger, un
petit aménagement, avec ses poteaux métalliques et sa toiture en tôles ouvert de toute part,
où l'on trouve l'évier et la table à manger et enfin un faré
MTR sensé résister aux intempéries, aux cyclones en particulier, le principal lieu de vie...
Il est presque 17 heures, le soleil ne va pas tarder à se coucher et nous faisons le tour du propriétaire;
Les enfants font ainsi la connaissance du Tupa, ce petit crabe voleur et farceur qui vit dans les
galeries qu'il creuse, en dépit du bon sens, sous le sable;
Et des trous de Tupa, il y en a partout !
A quelques pas des faré, il y a une petite plage qui râvit petits et grands;
Happy Atamu apprend que la chose bizarre qu'il a ramassé dans l'eau et qu'il a pris pour une
" drôle de banane" n'est en fait qu'un concombre de mer...
Le soleil vient de disparaître à l'horizon et nous rentrons pour nous laver et dîner avant la tombée de la nuit;
Sous le petit faré, fait de troncs et de tôles, où s'entassent bourres de coco et palmes de cocotiers sèches,
Papa prépare le feu qui servira à chauffer l'eau des grosses marmites;
Une fois chauffée, l'eau est versée dans la grande poubelle verte et à l'aide d'une boite de glace, Papa en
transvase dans la bassine remplie d'eau fraîche du robinet.
Le bain des enfants est prêt mais Papa préfère se doucher au tuyau;
Les enfants amusés nous font remarquer qu'on se croirait à Koh Lanta, mais en mieux !
Et pour Papa et Maman, l'impression d'avoir remonté le Temps...
Les vêtements sont lavés et mis à sécher...
Chez Papi et Mamie le repas du soir est pris avant la nuit et c'est aussi le moment que
choisissent les Nono pour sortir;
Ces petits moucherons mordent et provoquent plaques rouges sur la peau et démangeaisons et plus
on gratte plus le bouton grossit...Mais heureusement pour nous, le Monoï de Tahiti est LE moyen
préventif par excellence contre l'attaque de ces "vampires".
Nous nous endormons bercés par l'éclat des vagues sur le récif près de la passe, le souffle du vent dans les
palmes de cocotiers, les chants des oiseaux et le bruit des Tupa qui sortent de leurs trous pour manger.
Jour 2 :
Nous nous levons aux aurores, après une bonne nuit de sommeil, et décidons de faire une petite
promenade aux alentours...Tout semble figé !
Nous roulons jusqu'au village de Tevaitoa pour visiter la vallée familiale et faire un arrêt chez
les grands-parents maternels de Papa.
Tout est à l'abandon...
Les deux tombes des grands-parents à l'entrée, la petite tombe de la cousine un peu plus loin dans
le jardin ainsi que la maison verte, qui jadis était remplie de vie, de rires et de bonheur.
Avec émotion Papa a poussé la porte de la maison et des souvenirs sont remontés à la surface:
les jeux de cache cache avec les cousines Nathalie et Catherine, le bon ma'a tahiti du dimanche,
les moments passés avec la mamie qui les appelait affectueusement "Gréjor"( qui n'arrivait pas à
dire "Trésor) et le Papi qui aimait à raconter des histoires de Tupapa'u (fantomes)...
Et dans le coin près de la porte d'entrée, Papa se souvient qu'il y avait un lit dans lequel Papi
fatigué a rendu son dernier souffle dans les bras de Tatie Pahu...
Avant de rentrer, Papa nous montre l'école primaire de Tevaitoa où il se rendait à pied et plus loin,
l'endroit où Tatie Pahu avait un élevage de poules pondeuses.
Il se rappelle de ces cages à perte de vue, des oeufs qu'il ramassait chaque jour, des fientes qu'il
fallait enlever tous les dimanches et surtout des 500 Francs Pacifiques qu'il recevait de Tatie
pour le bon travail accompli.
Nous rentrons, prenons un bon petit-déjeuner et partons à la découverte de cette île pleine de charme;
Nous remarquons en bordure de route des séchoirs à coprah...
Dans le district de Opoa, nous faisons une halte obligée pour visiter le plus sacré des marae polynésiens,
le marae Taputapuatea.
Implanté sur la pointe Matahiraiterai, il fait partie d'un vaste complexe cérémoniel et archéologique
et est au coeur même de la mythologie et de l'ancienne religion de la Polynésie de l'Est.
Ce Marae est le résultat d'une série de séquences historiques successives qui s'est arrêtée brutalement
à l'arrivée des premiers européens et notamment à l'époque de la Christianisation;
La tradition orale dit que ce marae est le « siège de la Connaissance », le « Berceau des(anciens)
Dieux » polynésiens.
L’un des marae du vaste complexe sacré Te Pö, le marae Hauviri (anciennement Tauraa-tapu)
sur lequel domine encore majestueusement la fameuse pierre sacrée Te-papa-tea-ia-ruea
(ou Te-papa-o-na-maha), haute de plus de 2 mètres et demi, est celui de l’ancienne et puissante
dynastie royale Tamatoa qui a régné sur les Iles-sous-le-Vent jusqu’à la christianisation.
Le marae Taputapuatea et tout le complexe sacré Te Pö étaient particulièrement sacrés pour
les prêtres et membres du mouvement arioi qui, sous l’égide de la divinité Oro et sous la
bénédiction de l’ancien roi Tamatoa, voyageaient de village en village et d’île en île pour y
pratiquer des rituels, cérémonies et autres spectacles où culture et spiritualité s'entremêlaient
au rythme des saisons et de leurs déplacements.
C’est ainsi que les prêtres et adeptes arioi ont pu se déplacer dans la plupart des îles de la
Polynésie orientale actuelle, et diffuser dans le même temps, le culte de Oro.
Ainsi, la tradition orale rapporte qu’une ou plusieurs pierres du marae Taputapuatea étaient
prises lors de ces voyages pour être transportées lors de ces périples, et pour implanter de
nouveaux marae dits « Taputapuatea » dédiés au dieu Oro dans la plupart des lieux et îles de
destination, après avoir réussi à convertir localement les communautés à ladite divinité tutélaire.
Aux temps anciens, il existait plusieurs réseaux d’alliance entre îles ou groupement
d’îles dans la Polynésie orientale.
L’un de ces réseaux d’îles avait pour siège le marae Taputapuatea, plaçant ce dernier au cœur
d’une grande « Alliance amicale » entre les îles composant Te Ao Uri no te Faatau Aroha
(trad. « Pays sombre de l’Alliance amicale » : Raiatea, Huahine, Tahiti et ses dépendantes,
Maiao, Iles Australes) et ceux composant Te Ao Tea no te Faatau Aroha
(trad. « Pays clairs de l’alliance amicale» : Tahaa, Bora Bora, Iles Cook, Rotuma, Aotearoa).
La tradition orale raconte qu’un meurtre commis par le représentant des pays du côté clair,
Paòa-Tea, sur la personne du représentant des pays du côté sombre Paòa-Uri, fut à l’origine
de l’éclatement de cette alliance amicale et d’un Tapu (trad. Tabou) ancestral à l’encontre de
tous les résidents des îles composant l’ancienne alliance Te Ao Tea no te Faatau Aroha qui les a
privé du droit de fouler de nouveau le marae Taputapuatea, pourtant devenu « international ».
C’est cette rayonnance culturelle et spirituelle étendue à travers Te-Moana-Nui-a-Hiva
(Océan Pacifique) et son rôle de témoin privilégié de la civilisation polynésienne juste avant le
Contact européen, qui font de ce complexe cérémoniel et archéologique sacré un point
géographique majeur dans la renaissance de la culture polynésienne contemporaine...
Nous déjeunons au restaurant de l'hôtel Havaiki Nui.
Au menu: Légumes du Fa'apu (potager), sashimi de thon rouge et glace à la vanille fait maison
Il fait si chaud que les plus grands ne peuvent résister à la tentation de piquer une tête dans la piscine...
Dans l'après-midi, un kilomètre avant d'arriver chez Mamie, nous garons la voiture en bordure de route et
entamons la traversée à pied pour nous rendre sur le Motu en prenant bien soin de traîner nos chaussures
sur le sable pour éviter de marcher sur un Nohu ou poisson pierre dont l'épine dorsale
contient un poison qui peut parfois être mortelle;
Nous sommes seuls au Monde, ou presque, sur cet îlot...
Tonton Niel arrivera par le dernier vol d'Air Tahiti et nous rejoindra en pleine nuit à bord
d'une voiture de location.
Jour 3 :
Comme tous les matins, le "pereo'o ma'a" (commerçant ambulant) fait sa tournée dans
le village, nous l'arrêtons pour y acheter pâté, chesdale, jambon, firi firi et pain coco;
Le petit déjeuner sera encore une fois très copieux...
Grâce aux deux voiture de location, nous pouvons passer la journée tous ensemble.
Avec Mamie, la visite de l'île est plus intéressante car elle nous conte les légendes de chaque sites, nous
apprend où habite un tel, nous donne les dernières nouvelles (parfois croustillantes) de la famille, nous
rapporte les derniers aménagements effectués par chaque maires et nous parle de son engagement pour que
vive la mémoire de son ancêtre Hapaitahaa a Etau, dit Teraupoo, le plus célèbre "résistant" polynésien
qui, par les armes, s'opposa farouchement au processus d'annexion française des îles-sous-le-vent et qui
par la suite fût capturé, spolié de ses Terres et déporté en Nouvelle-Calédonie...
Mamie Terii c'est radiÔ Cocotier ! (Rires)
Nous faisons une halte dans le petit village de Fetuna chez Tonton Lemaire, le frère aîné de Mamie;
Papa ne l'avait pas revu depuis une vingtaine d'années et avec fierté il nous présente.
Les enfants profitent de l'occasion pour ramasser les citrons du jardin...
Nous prenons ensuite de la hauteur en empruntons la route traversière passant par l'intérieur de l'île
et qui offre de magnifiques paysages tels que des forêts de bambous, des champs d'ananas et une
superbe vue sur les montagnes et la vallée de Faaroa...
Bien évidemment, les enfants veulent aller à la plage et nous choisissons celle de Opoa
près du Marae Taputapuatea...
Nous invitons Papi et Mami au restaurant de l'hôtel Havaiki Nui (décidément) où Tonton Niel
aime les conduire lorsqu'il est à Raiatea;
Presque 16 heures, nous rentrons.
Les garçons ont encore le temps de s'amuser avec les coqs et les poules que Mamie a mis en cage...
Les poules pour les oeufs et les coqs comme Réveil Matin !
Et Maman fait le tour du jardin de Mamie qui regorge de Trésors...
Il y a les fleurs aux couleurs chatoyantes et odorantes, les plantes qui nourrissent et celles qui soignent :
L'hibiscus, la tiare tahiti, le nono, le taro, la vanille, le metua pu'a, la vaianu et bien d'autres...
Comme toujours Papi se met à l'ouvrage et continue son filet de pêche;
Durant ces trois jours, son pied avait doublé de volume l'obligeant à rester à la maison et l'empêchant
ainsi d'aller à la pêche.
Et bien évidemment il n'a pas voulu se rendre au dispensaire pour se faire soigner;
Il a juste trempé son pied dans un seau rempli pour moitié d'eau de javel.
Les enfants ont pris leur bain et sont sensés rester dans le Fare mais Monsieur Tevai préfère ratisser
les feuilles mortes avec le balai en ni'au de Mamie.
Le balai en ni'au, confectionné à partir des nervures de palmes de cocotier séchées, est utilisé pour
dépoussiérer, ratisser, balayer et...donner des coups aux enfants qui sont "tari'a turi " (trad. Têtu)
Papa en garde un souvenir mémorable du balai ni'au...C'était la belle époque ! (Rires)
Et avant l'heure du coucher on saute une dernière fois dans le fauteuil de Mamie;
Un luxe...Ce fauteuil en cuir inclinable...Cadeau de Tonton Niel pour sa Mamounette !
Jour 4 :
Aux premières lueurs du jour, le ciel est rose et bleu lavande...
Notre avion décolle à 8 heures et nous nous préparons pour ne pas le rater.
Nous prenons la pose avec Papi qui ne nous accompagnera pas à l'aéroport.
Et c'est avec un petit pincement au coeur que nous quittons ce hameau si paisible...
Tonton Vito, son épouse, sa fille, son gendre et les petits enfants qui se rendaient au culte
ont fait un petit détour pour nous souhaiter un bon retour;
Tatie Pahu, Tonton Daniel et Nathalie sont là également;
L'occasion est trop belle et Tonton Niel prend un cliché de tout ce petit monde...
Et lorsqu'arrive enfin le moment du départ, avec émotion on se dit aurevoir et l'on promet de revenir
pour les vacances de juillet.
Cette escapade a été de (trop) courte durée mais tellement intense;
Nous en avons pris plein les yeux et avons eu un véritable coup de coeur pour la Terre
des ancêtres de Mamie Terii.
A présent, lorsque nous penserons à Papi et Mamie, nous pourrons les imaginer au faapu à cultiver
et récolter fruits et légumes, à la pêche à bord de leur pirogue pour rapporter le poisson qu'ils
prendront au dîner, Papi assis sur son tabouret à confectionner ses filets de pêche, Mamie
installée dans son fauteuil en cuir devant son petit écran à regarder la télénovéla du moment
et le dimanche vêtus de leur plus beaux habits, aller au culte.
Papa et Maman aimeraient que les plus grands découvrent cette vie rurale au rythme tranquille
et s'imprègnent de cette atmosphère et des trésors de l'île sacrée.